Une persévérance à toute épreuve
Estelle Duvin a voyagé avant de se trouver un troisième nid. Après avoir joué à Dunkerque dans le nord de la France, l’étudiante-athlète s’est promenée dans les Alpes françaises et dans le Maine avant d’atterrir pour de bon à Montréal.
Un texte de Luc Carbonneau
La native de Coudekerque-Branche a effectué ses premiers coups de patin à un jeune âge. C’est à force d’insister auprès de sa famille et un peu en raison de son frère qu’elle s’est mise à pratiquer le hockey.
Mon grand frère jouait au hockey. Mes parents souhaitaient qu’il pratique un sport d’hommes. Je voulais faire comme mon grand frère, c’est-à-dire jouer au hockey, reconnait-elle. J’ai pratiqué la gymnastique, du tennis et de l’athlétisme, mais je voulais vraiment être sur la glace. J’ai tellement fatigué mes parents qu’ils m’ont finalement inscrit au hockey.
Jusqu’à l’âge de quinze ans, elle évolue chez les garçons. Elle participe à des tournois en Angleterre et en Allemagne en représentant les couleurs de sa région. Ayant franchi l’âge de 15 ans, elle veut continuer à progresser. Il ne lui reste alors qu’une seule option pour fracasser un autre plafond de verre. Ce sont les Alpes françaises qui l’attendent.
De la ville d’où je viens, Dunkerque, ce n’est pas une municipalité très développée pour le hockey féminin. En France, on a un pôle de performance à Chambéry, situé dans les Alpes. Avant, les trois quarts de l’équipe nationale étaient là. C’est la structure la mieux adaptée en France pour concilier études et hockey. Je suis partie de chez nous à 15 ans pour aller là-bas et ce fut ma première année avec une équipe féminine.
Entre temps, la native de la région de Nord-Pas de Calais a représenté la ville de Neuilly-sur-Marne lors de la compétition européenne de la coupe féminine. Un peu l’équivalent d’une Ligue des Champions au niveau soccer, mais sur glace. L’équipe française termine deuxième de son groupe préliminaire et doit abdiquer pour les rondes finales de 2014.
Persévérer dans l’attente
Par la suite, Duvin traverse l’Atlantique à l’âge de 18 ans pour s’aligner avec l’équipe féminine du Maine l’instant d’une saison. La Coudekerquoise devait évoluer dans les divers arénas universitaires nord-américains. Des problèmes administratifs ont empêché la Française de s’aligner en NCAA. En raison d’un problème de conversion de notes, les seules rencontres officielles qu’elle disputera en 2015-16 ont été lorsqu’elle arborait les couleurs de la France.
En 2016, elle décida de traverser la frontière canado-américaine pour rejoindre le territoire des Carabins. À sa première saison avec les Bleus, elle récoltait cinq buts et quatre passes en 17 rencontres.
Par rapport à ce que j’avais vécu dans le Maine, j’ai trouvé la saison beaucoup plus facile. Tout allait bien. Je jouais et ça parlait français. Bon français, plus ou moins on s’entend, mentionne-t-elle en faisant référence aux caractéristiques linguistiques de la province. Je connaissais déjà des joueuses qui ont joué ou jouaient avec l’équipe, dont Marion Allemoz, Lore Beaudrit et Emmanuelle Passard. J’avais des repères et j’étais contente de ma saison au niveau individuel.
Aujourd’hui, celle qui arbore le numéro huit vit sa deuxième saison au sein de l’équipe. Duvin est consciente que son rôle a quel peu changé en 2018. Sans forcément ressentir une pression supplémentaire même si elle défend les couleurs de la France, elle manœuvre dans une situation où les systèmes de jeu divergent. La capacité d’adaptation est donc accrue et forcément, les attentes le sont aussi.
Le personnel d’entraîneurs a plus d’attentes offensives à mon égard, ils savent de quoi je suis capable. Du coup, tu te mets un peu plus de pression, puisque tu veux performer. Lors de la première année, tu peux te fier aux anciennes puisque si tu joues mal, les vétéranes sont là.
La joie d’une compétition relevée
Duvin s’entend pour dire que l’équipe de hockey féminin connaît une bonne saison. Les matchs sont âprement disputés entre les diverses formations du RSEQ. Seulement huit points d’écart séparent la première de la quatrième position.
Tous les matchs sont serrés et sont plaisants à jouer, avoue Duvin. C’est mieux de remporter comme contre Ottawa à la fin janvier où l’on gagne 3-2 à l’arraché plutôt que de gagner ou perdre un match de 6-0. En jouant un match serré, c’est là que tu as le plus de sensation et c’est comme ça toutes les fins de semaine. Le championnat est vraiment intéressant. Pour nous ça va quand même bien et on se rapproche des séries. Nous avons hâte.
L’équipe a connu un début de saison chargé en disputant très peu de matchs à domicile. Les fins de semaine sur la route ont été nombreuses. Le fait de ne plus disputer de rencontres à l’étranger est un soulagement pour l’attaquante..
C’est sûr que l’étudiante est contente, s’exclame l’étudiante en psychologie et sociologie. Je n’ai pas encore passé mes examens finaux de la première session, explique Duvin lorsque rencontrée à la fin janvier. J’ai dû rentrer en Europe pour représenter la France lors d’un tournoi en République tchèque. Mes examens arrivent dans les prochaines semaines, ça tombe parfaitement pour étudier. Disons qu’un autobus, ce n’est pas le meilleur endroit pour ça.
S’approcher du rêve olympique
Le 9 février 2017, Duvin, accompagnée de Jade Vix et Emmanuelle Passard, la France tentait d’obtenir leurs billets pour les Jeux olympiques. Les anciennes des Carabins Lore Beaudrit et Marion Allemoz étaient également membres de la formation française. Une troisième position dans leur groupe de qualification empêchera la France d’avoir 23 représentantes supplémentaires en Corée du Sud.
Quand je suis arrivée avec l’équipe de France après les Jeux de Sotchi, on se préparait pour Peyongchang. Les anciennes nous mentionnaient qu’elles ne voulaient pas revivre la défaite en qualifications. Au Japon, nous ne sommes pas parvenues à nous qualifier et ça s’est joué à peu de choses, explique l’attaquante. On regarde les Jeux, et c’est bien, mais c’est dur en même temps de savoir qu’on aurait pu être là. On a quand même espoir pour Pékin en 2022.
Après être passées près d’une qualification, bien des athlètes pourraient être tentées de ne pas regarder les olympiades. Toutefois, pour la jeune Coudekerquoise, cette défaite ne fait que renforcer son état d’esprit.
Ce sera la même Estelle âgée de dix ans qui va regarder les Jeux olympiques cette année, précise-t-elle. Personnellement c’est mon rêve de les faire. Quand j’arrêterai ma carrière, si je n’ai pas fait les Jeux olympiques, ce sera le seul regret dans ma vie. Je me vois tous les deux ans. Quand je regarde les Jeux d’été et d’hiver, je vois les cérémonies d’ouverture et je me dis : ‘j’espère tellement que je serai là un jour.
Étrangement, il serait difficile de prédire le contraire. Lorsque l’on voit les carrières qu’ont Marion Allemoz, Lore Beaudrit, Emmanuelle Passard, Jade Vix et Estelle Duvin, il ne serait pas surprenant de voir la France atterrir dans le nid ultime, celui des Jeux olympiques.