Mois de l’histoire des Noirs : Magalie Boutin, fondatrice de FREQUENCE

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, le Cercle des alumni des Carabins met en lumière le parcours de Magalie Boutin, alumna de l’équipe de natation (1998-2000), chef des relations médias à l’Office national du film (ONF) et fondatrice de l’organisme FREQUENCE.

Une histoire de familles

Lorsque Magalie Boutin relate son parcours sportif, force est de constater que son histoire a été forgée par la famille : celle qui l’a adoptée, celle qu’elle a choisie en rejoignant les Carabins, puis celle qu’elle a fondée.

Magalie et sa sœur jumelle ont été adoptées à l’âge de six mois par leurs parents qui habitaient à Alma, au Lac St-Jean. Ensemble, elles ont suivi les traces de leurs trois frères aînés et ont fait leurs débuts dans la piscine à l’âge de cinq ans. La natation est donc devenue une affaire de famille qui perdure encore à ce jour.

Après des années à cumuler des camps d’entraînements aux États-Unis, des compétitions à l’échelle nationale et des podiums, Magalie est devenue championne canadienne junior au 50 mètres libre en 1995, juste avant son entrée à l’université.

Malgré sa différence dans un sport où la diversité ethnoculturelle était particulièrement sous-représentée à l’époque, Magalie était reconnue dans sa région surtout pour ses performances en natation. À ce jour, elle détient encore sept records régionaux du Saguenay-Lac St-Jean.

Après avoir entamé ses études à l’Université Laval et fait partie de l’équipe de natation du Rouge et or, Magalie a rejoint l’Université de Montréal et les Carabins, en quête d’un programme d’études en communication davantage appliqué au terrain. Une décision qui s’est avérée transformatrice sur le point de vue identitaire pour celle qui habite la métropole depuis :

J’ai toujours senti ma différence en grandissant au Lac Saint-Jean et en étudiant à Québec. Quand je suis arrivée à Montréal, ça a été une révélation pour moi. J’avais cette aisance d’être qui je suis, d’affirmer qui j’étais et mon appartenance. J’étais moi-même curieuse de cette diversité culturelle que je n’avais vue ni à Alma ni à Québec, explique-t-elle.

Photo de l’équipe de natation des Carabins, 1999-2000

Si le sport permet de développer une discipline, une capacité à travailler en équipe et du leadership, dans le cas de Magalie, il lui aura aussi appris à faire face aux injustices la tête haute :

Ça serait naïf de dire que je n’ai pas vécu de racisme en natation. Il y a eu des échauffements durant des compétitions, surtout en Ontario et aux États-Unis, où j’ai été la cible de commentaires racistes. Quand j’étais avec les Carabins, c’était incroyable de voir la réaction des nageurs de l’équipe pour me défendre. Il y avait cet esprit de famille pour s’assurer que je puisse nager dans le plus grand respect.

Au terme de sa carrière universitaire avec les Carabins en 2000, Magalie comptait à son actif plusieurs participations en finales de championnat canadien, le titre de capitaine de l’équipe du Québec trois années consécutives, trois essais olympiques et un diplôme au baccalauréat en communication.

Comme athlète, on rêve aux podiums et aux Jeux olympiques. Sur le coup, on est déçu si on n’atteint pas nos objectifs, se remémore-t-elle. Avec le recul, je réalise que j’ai eu une carrière enrichissante grâce aux personnes qui m’ont entourée et que participer à une finale de championnat canadien signifie quand même qu’on est dans le top 8 au pays dans notre discipline. Il faut en être fier!

Une expérience au service des jeunes

Au-delà des médailles et des records, c’est surtout la force de caractère qu’elle a bâtie comme athlète de haut niveau qui lui sert aujourd’hui et qu’elle met à profit pour les jeunes de la communauté noire du Québec :

 Le sport m’a donné le bagage nécessaire pour savoir qui je suis et ce que je vaux. Jamais je ne me suis sentie dévaluée par des propos racistes. Tout ce que le sport m’a amené m’a permis de croire en moi, de développer une carapace face à ces commentaires. Ce sentiment de superhéros qu’on a comme athlète m’a permis de ne pas me sentir comme une victime du racisme.

Crédit photo : Yasine Sanou

Près de 25 ans après avoir accroché son maillot des Bleus, Magalie est à la tête des relations médias de l’ONF, mère de quatre enfants sportifs dont l’aîné vient par ailleurs d’être repêché dans la Ligue nationale de hockey, et fondatrice de l’organisme FREQUENCE officiellement lancé en novembre 2023.

Par l’entremise de programmes de mentorat, de stage et de remises de bourses aux jeunes de 12 à 21 ans de la communauté noire du Québec, FREQUENCE a pour mission de « faire rayonner les talents et la persévérance des jeunes issu.e.s des communautés noires du Québec, tout en leur offrant une tribune pour s’exprimer sur leur réalité[1]

Plus concrètement, l’organisme vise à reconnaître la diversité au-delà des grands centres urbains et à démontrer l’excellence des jeunes issu(e)s de la communauté noire pour qu’ils soient reconnus pour leur talent d’abord, et non pour les biais qui sont toujours bien présents. En somme, changer le regard qui est porté sur ces jeunes.

Les dix catégories pour lesquels des prix seront remis sont le reflet des priorités de cette génération et de celles de la fondatrice de l’OBNL. Qu’il s’agisse d’encourager les initiatives entrepreneuriales, écologiques et sociétales ou bien les talents athlétiques et artistiques des jeunes, pour ne citer que ces exemples, l’objectif de FREQUENCE est également de changer perception qu’on a des jeunes Noir(e)s au Québec.

L’idée de créer un organisme qui soutiendrait la communauté noire, à l’échelle de la province et non seulement dans les grands centres urbains de Montréal et Québec, a commencé à germer :

Je voyais des initiatives en culture, en sport mais tout se centrait sur Montréal. Je me suis dit que si j’étais restée au Lac Saint-Jean avec mes enfants, ils auraient eu ce sentiment que ma sœur et moi avons eu d’être isolés, raconte-t-elle. En créant FREQUENCE, je voulais m’adresser à l’ensemble du Québec. Quand j’ai découvert la Fondation Dynastie, j’ai réalisé que ça m’avait pris quarante ans pour réaliser qu’on pouvait dire haut et fort qu’on était bons, malgré toutes les opportunités que j’ai eu dans ma vie. Je me suis dit qu’il fallait que ça soit plus facile pour la prochaine génération. C’est pourquoi j’ai pensé aux jeunes au moment de créer FREQUENCE.

Avec les encouragements des membres du conseil d’administration de la Fondation Dynastie dont elle faisait partie, ainsi que le soutien d’organisations et de personnalités influentes de la communauté, FREQUENCE a vu le jour après quatre ans de travail.

Pour Magalie, la concrétisation de ce projet est non seulement le résultat des expériences d’une vie, mais aussi la preuve de l’évolution de la société qu’elle observe depuis ses débuts dans la piscine.

Que ce soit au niveau des réglementations des fédérations sportives, de l’attitude des parents d’athlètes face aux commentaires racistes dans les gradins ou encore la tribune qui est maintenant offerte aux jeunes athlètes noir(e)s qui, s’ils le souhaitent, peuvent verbaliser leur expérience et devenir des ambassadeurs de la cause de l’égalité raciale ; tout ça n’existait pas à l’époque où Magalie nageait pour les Bleus.

Si le sport est parfois le reflet de la société, c’est d’autant plus vrai dans ce cas-ci, même si le travail n’est pas terminé.

 

L’organisme peut être soutenu de 3 façons: 

  • Mettez en nomination un(e) jeune de 12 à 21 ans de la communauté noire du Québec
  • Réservez votre billet pour l’événement de remise de bourses le 15 juin 2024 au MEM – Centre des mémoires montréalaises 
    L’événement se veut inclusif et est ouvert à tous.
  • Faites un don

  [1] Tiré du site web de FREQUENCE : https://www.frequencequebec.com/