Nibal Yamout, la petite nageuse qui voit grand
Montréal, le 13 décembre 2011 – 8 aout 2008. Les yeux de la planète entière sont rivés sur Beijing, où se déroule la très spectaculaire et tout aussi attendue ouverture des Jeux olympiques d’été. Dans le stade où sont massés plus de 90 000 spectateurs, les dizaines de milliers d’athlètes de plus de 200 nations défilent. Sur l’écran géant, dont les images sont diffusées partout dans le monde, certains vivent leur moment de gloire. Parmi ceux-ci, il y a un homme fier qui marche avec la petite délégation du Liban. Rapidement, une jeune athlète accourt derrière lui pour laisser sa trace dans l’histoire également, mais trop tard. Les caméras se tournent vers un autre figurant de cette manifestation grandiose.
La nageuse recrue des Carabins, Nibal Yamout, n’a pu voler la vedette à son père Adel ce jour-là, mais elle compte bien revivre cette expérience unique. «Ces trois semaines ont été tout simplement incroyables, raconte celle qui a pris part au 100 m brasse à l’âge de 15 ans. Je n’avais jamais nagé devant une aussi grande foule.» Chaque jour, elle se rapproche d’une participation aux jeux de Londres en 2012, une longueur à la fois, au CEPSUM.
Les entrainements matinaux ne sont pas une corvée pour Nibal Yamout, qui habite à deux pas de la piscine. «C’est toujours plaisant de venir ici, dit-elle. On s’entend très bien dans l’équipe et tout le monde s’encourage.» Installée à Montréal depuis l’été dernier, elle se sent pleinement intégrée dans son nouvel environnement. Au 400 m quatre nages, l’épreuve pour laquelle elle tente une qualification olympique, elle a abaissé son temps de six secondes depuis le début de la saison.
Avec Geneviève Saumur, membre de l’équipe nationale canadienne, et Xavier Desharnais, un Carabin qui se consacre pleinement à sa qualification olympique pour la nage libre, Nibal Yamout essaie de faire profiter ses coéquipiers de son expérience internationale. «À l’entrainement, je crois qu’on peut arriver à motiver les autres encore plus, mentionne-t-elle. En compétition je ne sais pas, mais on n’arrête pas d’encourager tout le monde sur le bord de la piscine.»
Une représentante de l’UdeM dans le monde arabe
La Libanaise de 18 ans adore voyager. Le 13 décembre, elle prendra l’avion pour Doha, au Qatar. Elle participera aux Jeux panarabes, une rencontre sportive majeure du monde arabe qui a lieu tous les quatre ans. Elle tentera de remporter une médaille dans les épreuves de 400 m quatre nages, 200 m brasse et 200 m quatre nages. À ces derniers jeux en 2007 au Caire, elle avait obtenu une quatrième position au 400 m quatre nages.
Il ne faudra pas s’étonner si les Carabins font parler d’eux durant le passage de Nibal Yamout au Qatar. «Oui, il faut que je représente en quelque sorte l’Université de Montréal, déclare avec le sourire l’étudiante en sciences économiques. C’est une délégation libanaise, mais j’y ferai peut-être un peu de publicité.»
La compétition sera relevée, même s’il existe quelques disparités entre les sports féminins et masculins. «Certains pays ne comptent pas de filles dans leurs équipes, explique-t-elle, mais le niveau est quand même fort avec la présence de pays comme la Tunisie, le Maroc ou l’Algérie. Je suis chanceuse qu’au Liban, ce soit vraiment mixte.»
De plus, les conditions d’entrainement étant plus difficiles dans cette région du monde, rares sont les athlètes qui pratiquent leur sport sur leur terre natale. «C’est très dur de combiner le sport et les études là-bas, surtout chez les filles, fait-elle remarquer. Par exemple, les universités peuvent avoir une piscine et une équipe, mais elles proposent seulement trois entrainements par semaine et il n’y a que quelques compétitions amicales.»
«Il y a eu la guerre au Liban en 2006, ajoute Nibal Yamout. Ça s’est calmé depuis, mais il y a encore des tensions. Mon père a toujours voulu que mon frère et moi partions parce que c’était mieux pour nous et pour nos études aussi.»
La route qui mène aux Olympiques
La nageuse native de Beyrouth n’en est pas à ses premières armes en matière de compétitions internationales, elle qui a commencé en mars 2007, à Melbourne, aux championnats du monde de la Fédération internationale de natation (FINA). Depuis, elle a nagé à ces mêmes championnats à Rome (2009) et à Shanghai (2011), en plus de prendre part aux Jeux olympiques de la jeunesse d’été de Singapour en 2010 et aux jeux de Beijing.
«L’expérience commence à rentrer, estime-t-elle. Maintenant, j’ai un stress différent. La première fois, je ne savais pas ce que je faisais. J’étais un peu perdue.»
La citoyenneté libanaise de Nibal Yamout lui a permis d’aller aux Olympiques à un très jeune âge. À l’époque, la meilleure nageuse de ce pays d’un peu plus de quatre millions d’habitants était automatiquement sélectionnée pour les jeux. S’entrainant depuis sa tendre enfance, elle avait relevé le défi.
Son père, lui-même ancien nageur, était l’entraineur de l’équipe nationale. «Il m’a initiée tôt, mais je voulais surtout faire comme mon grand frère Jamil, qui était un bon nageur», affirme-t-elle. Après plusieurs années d’efforts, elle est finalement montée sur un bloc de départ pour une course olympique. «C’était très spécial. Les nageurs sont géants et moi, je suis toute petite», commente la nageuse d’un peu plus de 1,50 m. Elle a également eu la chance de côtoyer ses idoles américaines Natalie Coughlin et Ryan Lochte, à qui elle a déjà demandé des autographes près de la piscine.
Aujourd’hui, les règles ont changé et Nibal Yamout devra réaliser un temps de qualification afin d’obtenir son billet pour Londres. Pour cela, elle doit retrancher encore plusieurs secondes à son chrono au 400 m quatre nages. «Je ne m’en ferai pas si je n’y arrive pas, assure-t-elle. Je réessaierai pour les jeux de 2016. J’aurai alors 22 ans.» La jeune femme compte demeurer à l’UdeM pour la durée de ses études, qu’elle désire continuer en finance par la suite.
Poursuivre sa vie à Montréal
Adolescente, elle a vécu en France de 2006 à 2008 et, après être revenue quelque temps dans son pays d’origine, elle a décidé de poursuivre ses études à l’UdeM, dans la ville où son frère vit déjà depuis trois ans. Leur père est tombé sous le charme de la métropole lorsqu’il est venu aux championnats mondiaux de la FINA en 2005 avec la délégation libanaise.
Grandir au Liban a ouvert toutes grandes à Nibal Yamout les portes d’une carrière exceptionnelle, mais elle se sent déjà chez elle dans sa ville d’adoption. «Si je suis fière de représenter le Liban, j’aimerais bien avoir l’occasion de représenter le Canada un jour, si je suis assez forte.»
Elle aura au moins la chance de briller sur la scène nationale à Montréal devant son frère et sa mère, avec qui elle vit. Elle entendra leurs encouragements quand elle prendra le départ aux épreuves du championnat universitaire canadien au CEPSUM à la fin du mois de février.
Source : Mathieu Dauphinais, agent d’information sportive