L’infatigable nageur Xavier Desharnais

Montréal, le 27 août 2013 – Sur le lac Mégantic le 10 aout dernier, les vagues pouvaient atteindre presque un mètre de haut en raison des forts vents. Avec la pluie, c’était loin d’être un temps idéal pour la baignade. Pourtant, plus d’une trentaine d’irréductibles ont bravé les éléments pour traverser le lac à la nage, une distance de 10 km. Les kayakistes chargés de les ravitailler peinaient à les suivre. Il y en a même une dizaine d’entre eux qui ont chaviré. Bienvenue dans le monde extrême de la natation en eau libre, la passion du Carabin Xavier Desharnais.

«Ce que j’aime de ce sport, c’est que, même si les nageurs sont très talentueux, ils ne peuvent pas tout contrôler. Il faut avoir une puissance mentale, psychologique et physique. Il n’y a pas de corridors comme dans une piscine et la météo peut influencer la course, alors il faut se concentrer sur une stratégie. C’est une épreuve très complète», explique-t-il.

De telles conditions sont loin de freiner l’étudiant-athlète originaire de Sherbrooke. Cette course a conclu, pour ce nageur spécialiste des longues distances, un été des plus chargés. En trois semaines consécutives, il a traversé le lac Saint-Jean (32 km), le lac Memphrémagog (34 km) et le lac Mégantic, en plus du nombre incalculable d’heures d’entrainement passées dans l’eau. Il s’agit de l’un des blocs de compétitions les plus importants du monde dans cette discipline. Seuls Xavier Desharnais et le Macédonien Evgenij Popacev ont participé à toutes les épreuves cette année. Sans oublier qu’un mois plus tôt le nageur de l’Université de Montréal prenait part à une autre course de 10 km aux Universiades de Kazan, en Russie.

Xavier Desharnais a terminé en deuxième position au lac Memphrémagog pour une deuxième année de suite. Cela a mis un baume sur une saison qui avait mal commencé. Au printemps dernier, il avait dû arrêter de nager pendant un mois en raison d’un virus. Ce genre de pause peut ralentir la progression d’un nageur. Il n’a repris l’entrainement qu’un mois seulement avant de se rendre en Russie.

«Je n’étais peut-être pas encore prêt pour Kazan, mais ça m’a servi d’entrainement, dit-il avec le recul à propos de sa 18e position. Chaque fois par la suite, c’était de mieux en mieux. Je suis content de mes résultats parce qu’au départ je ne savais pas trop à quoi m’attendre après l’année que j’ai connue. J’étais très fatigué avant la traversée du lac Mégantic, mais je voulais aller jusqu’au bout, surtout après ce qui s’était passé là-bas et parce que je connais beaucoup de gens venant de cette région.»

Le nageur, qui amorcera bientôt sa troisième saison avec les Carabins, y a pris la huitième place, moins de deux minutes derrière l’Allemand Thomas Lurz. Ce gagnant de la traversée est probablement le meilleur nageur de l’histoire dans cette discipline.

«Il est vraiment un modèle de constance qui m’inspire, affirme le jeune homme. À 33 ans, il continue à récolter sa part de médailles. Il a gagné deux médailles olympiques et 19 médailles en championnats du monde.»

Depuis ses débuts, à 18 ans, Xavier Desharnais a eu la chance de nager aux côtés de grands athlètes tels que le Bulgare Petar Stoychev, gagnant de 11 traversées du lac Saint-Jean d’affilée. «Il était là lorsque j’ai commencé et il est devenu l’un de mes mentors, tout comme l’a été Fran Crippen», souligne le Carabin.

Ce nageur américain est mort à l’âge de 26 ans au cours d’une épreuve de 10 km aux Émirats arabes unis en 2010. Ce triste épisode a démontré de nouveau que ce sport est impitoyable.

Les Jeux olympiques dans la ligne de mire
L’étudiant de 23 ans en kinésiologie, finaliste pour le titre d’étudiant-athlète par excellence à l’UdeM la saison dernière, espère se qualifier pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016. C’est par moins d’une minute qu’il avait manqué le voyage pour Londres. L’organisation de la traversée du lac Memphrémagog l’aide financièrement pour qu’il atteigne cet objectif et, en retour, le nageur est fier d’être un porte-parole de cette course qui attire des participants de partout dans le monde.

La route vers Rio sera difficile. Aux championnats du monde de 2015, les 10 premiers nageurs à la course de 10 km obtiendront leur laissez-passer pour les jeux. Il y aura une autre épreuve de qualification en 2016, mais seuls les représentants des pays non qualifiés pourront s’y présenter. Or, le nageur canadien Richard Weinberger a remporté une médaille de bronze à Londres et il serait étonnant qu’il ne fasse pas partie de l’élite dans deux ans. Xavier Desharnais devra donc faire sa place dès les championnats du monde de 2015.

«L’une des forces de Xavier est qu’il maintient toujours le cap, déclare son entraineur-chef chez les Bleus, Pierre Lamy. Il garde son objectif en vue et va toujours jusqu’au bout. Malgré toutes les difficultés qu’il a rencontrées, il a réussi à bien finir l’année. Même quand ça allait moins bien, il n’a jamais perdu sa détermination d’aller aux Jeux olympiques.»

«Ce qui me motive à poursuivre dans ce sport, c’est l’accomplissement de soi, mentionne Xavier Desharnais. J’essaie de toujours donner le meilleur de moi-même. C’est certain que je rêve d’aller aux Olympiques, mais je veux aussi gagner la traversée du lac Memphrémagog.»

Les Carabins, source de motivation
La saison dernière, Xavier Desharnais était le capitaine de l’équipe masculine de natation des Carabins. Bien que la nage en eau libre ne fasse pas partie des épreuves universitaires, être membre d’une équipe de compétition est un bienfait pour lui.

«Nager en équipe m’aide beaucoup parce que c’est un sport qui peut être assez monotone, remarque-t-il. C’est une discipline très individuelle, mais en même temps je fais partie d’une belle équipe. Ça me motive à m’entrainer. C’est important pour le mental de se garder motivé. De plus, avec les Carabins, on est en train de créer un véritable esprit d’excellence.»

D’ici le début de la prochaine saison universitaire, Xavier Desharnais prendra du repos et restera à l’écart de la piscine. Ce ne sera qu’un court répit avant de reprendre une routine de spartiate et de nager plusieurs heures par jour.

Source : Mathieu Dauphinais, agent d’information sportive